BAIL RURAL
La cession partielle, même minime d’un bail soumis à statut du fermage, entraîne sa résiliation peu importe la gravité du manquement
Il résulte de la combinaison des articles L. 411-31, II, 1° et L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime que la cession prohibée du bail soumis au statut du fermage peut entraîner sa résiliation judiciaire. La cession partielle, même minime (en l’espèce, 10% de la superficie louée), par le preneur des biens loués justifie la résiliation totale du bail rural, sans que les juges du fond n’aient à caractériser la gravité du manquement ou la compromission de la bonne exploitation du fonds (Cass. 3e civ., 6 juin 2019, n° 17-21.335 : JurisData n° 2019-010602 : Revue de droit rural n° 475, Août 2019, comm. 70).
Solenne LABBE
Indemnisation des améliorations au fermier sortant
Un nouveau fermier qui a payé au bailleur une somme d’argent supplémentaire au calcul de la va-leur vénale des biens lors de la reprise, au prétexte qu’il allait bénéficier des améliorations faites par le fermier sortant, a droit au remboursement de cette somme par le dit bailleur. La Cour rappelle que selon l’article L.411-74 du Code rural, ce procédé est strictement interdit. Selon l’article L.411-69 du Code rural, c’est au seul bailleur qu’incombe l’indemnisation des améliorations au fermier sortant et il ne peut en aucun cas faire porter cette charge par le nouveau locataire (Cass. 3e civ., 6 juin 2019, n° 17-19.486).
Anne-Emmanuelle FURIC
La mise à disposition ne dégénère pas facilement en fraude
Par un arrêt du 4 juillet 2019 (Cass. 3e civ., 4 juillet, n°17-31.058), la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la mise à disposition prévue par l’article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime ne saurait être requalifiée en bail rural à défaut de prouver, dès la conclusion du contrat, une volonté de fraude de la part du locataire.
Les juges ajoutent que la requalification en bail rural est possible en cas de montage frauduleux sous condition de réunir les éléments moral et matériel caractéristiques de la fraude. L’intention frau-duleuse doit être caractérisée au jour de la réalisation du montage, en l’espèce à la date du contrat de mise à disposition.
Alice AUCHER
PESTICIDES ET PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES
Face à la disparition inquiétante des insectes, la France tente de limiter sa dépendance aux pesticides
Dans une réponse ministérielle datée d’août 2019 (Rép. min. n° 9451 : JO Sénat 18 avr. 2019, p. 2188) concernant l’effondrement des populations d’insectes représentant un maillon clé pour le fonctionnement des écosystèmes et par ricochet pour les cultures et productions humaines, le gouvernement dit avoir mis en place trois plans nationaux (PNA) incitatifs auprès des acteurs concernés. Le but affiché : diffuser les bonnes pratiques professionnelles en la matière.
La France entend ainsi limiter l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, et particulièrement ceux de la famille des néonicotinoïdes et produits similaires (particulièrement toxiques pour les insectes pollinisateurs) qui ne sont plus autorisés depuis le 1er septembre 2018 (Décret n°2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques).
Des mesures supplémentaires visent à compléter ces dispositifs : de la réduction de la lumière artificielle qui affecte la faune nocturne, à la création d’un groupe de travail dédié à la question de la disparition des abeilles. Le travail du gouvernement passera aussi par la question cruciale de l’artificialisation des sols, qui inclut celle des friches pouvant devenir un refuge pour la protection de la biodiversité et notamment des insectes. Ces réalisations seront prochainement intégrées au sein du plan Ecophyto II + en cours de finalisation, pour enfin tenter de limiter la dépendance de la France aux pesticides.
Nadia COLAS PARMENTIER
L’apport de la loi « Egalim » en matière d’accidents du travail : des drones autorisés pour la pulvérisation des produits phytopharmaceutiques.
Depuis le 9 octobre 2019, la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par des drones à titre expérimental est désormais permise.
Intoxications aiguës, cancers, maladies neurologiques, troubles de la reproduction (fertilité, atteinte du foetus), l’un des enjeux principaux de la mesure expérimentale prise dans le cadre de la loi Egalim (L. n° 2018-938 du 30 octobre 2018, art. 82), a pour but revendiqué de limiter les accidents du travail liés directement à l’application et au contact des produits phytopharmaceutiques.
Le dispositif est particulièrement encadré, puisqu’un arrêté ministériel (Arrêté du 26 août 2019 relatif à la mise en oeuvre d’une expérimentation de l’utilisation d’aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, NOR : AGRG1922046A) prévoit de le limiter aux surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30%. De plus, l’expérimentation ne pourra être menée qu’avec des produits autorisés en agriculture biologique ou à défaut dans des exploitations faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale (HVE), avec notamment une interdiction de perturbateurs endocriniens ou de produits à forte toxicité.
Pour les candidats à l’expérimentation, il conviendra de se conformer à la réglementation applicable aux aéronefs télépilotés, autrement dit aux drones, et de se soumettre à une évaluation de l’ANSES. Tout opérateur intéressé devra, par ailleurs, présenter son dossier et s’adresser directement au ministère chargé de l’agriculture dans des délais eux aussi encadrés, puisqu’il n’aura que jusque fin 2021 pour participer à ces expérimentations d’un nouveau type.
Nadia COLAS PARMENTIER
Suspension d’un arrêté « antipesticides » pris par le maire d’une commune (Tribunal Admi-nistratif de Rennes, audience en référé du 27 août 2019 et audience sur le fond du 14 octobre 2019).
Dans un jugement rendu en référé (Tribunal Administratif de Rennes, Ordonnance du 27 août 2019, n°1904033, Préfet d’Ille-Et-Vilaine) le 27 août 2019, le tribunal administratif de Rennes a suspendu l’application de l’arrêté du maire de Langouët qui interdisait l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à une distance de 150 mètres des zones habitées.
Les juges ont fondé leur décision sur l’article L. 554-1 du Code de la justice. En effet le maire, autorité de police administrative générale et garant de la sécurité, salubrité et tranquillité publique sur son territoire (CGCT, art. L. 2212-2), ne peut pas mettre en oeuvre ses prérogatives lorsqu’une autorité de police spéciale a été investie de compétences spécifiques par le législateur. Il en est ainsi pour la police spéciale des produits phytopharmaceutiques dont la compétence relève des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation (C. rur., art. L.253-1 et s.). Ce concours de polices rend le maire incompétent pour édicter des restrictions protectrices des populations, même en cas de carence de la part de l’autorité de police spéciale.
Manon PARADIS
QUALITÉ ALIMENTAIRE ET EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES
Qualité environnementale de la politique de l’alimentation
La loi Egalim du 30 octobre 2018 (L. n° 2108-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et ac-cessible à tous) a récemment insufflé une nouvelle politique alimentaire dans le secteur de la restauration collective. L’objectif est de servir des produits alimentaires qui répondent à des exigences environnementales. Ainsi le nouvel article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime impose pour les restaurants collectifs en charge d’une mission de service public de distribuer au moins 50 % de produits alimentaires de qualité (AOP, IGP, HVE, label rouge) dont 20% de produits biologiques avant le 1er janvier 2022.
Le texte présente cela dit une ambiguïté entre les moyens mis en oeuvre et l’objectif poursuivi. Ainsi l’idée de distribuer des produits intégrant des exigences environnementales doit être nuancée dans le cas des certifications AOP et IGP dès lors qu’elles ne garantissent que l’origine géographique et le mode de fabrication du produit. Le décret d’application de la mesure n°2019-351 (Décret n°2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en applica-tion de l’article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime) tend malheureusement à entretenir la confusion.
Alice AUCHER
DROIT DES SOCIÉTÉS
Sociétés n’ayant pas accompli les formalités nécessaires à leur prorogation
La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés a ajouté un quatrième alinéa à l’article 1844-6 du Code civil en créant une nouvelle procédure de régularisation des sociétés lorsque celles-ci n’ont pas accompli les formalités nécessaires à leur prorogation : la consultation des associés au moins un an avant la date d’expiration de la société. A défaut de cette consultation dans le délai légal, la société devient une société de fait (en ce sens : Cass. 1er civ., 13 déc. 2005, n° 02-16.605). A compter du 21 juillet 2019, lorsque la consultation n’a pas eu lieu, tout associé peut, dans l’année suivant la date d’expiration de la société, demander au président du tribunal de constater l’intention des associés de proroger la société et d’autoriser la consultation dans un délai de trois mois. Le cas échéant, le président du tribunal peut désigner un mandataire de justice qui sera chargé de la provoquer. Lorsque la prorogation a ainsi eu lieu, les actes passés entre la date d’expiration de la société et la date de sa prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par ladite société.
Solenne LABBE
CHASSE
Projet de décret sur la chasse du sanglier
Une consultation publique était ouverte jusqu’au 12 octobre 2019 sur le projet de décret qui étend la période de chasse du sanglier jusqu’au 31 mars. Ce projet répond au phénomène d’augmentation continue des populations de sangliers en France depuis plus de 30 ans, causant plus de 80% des dégâts agricoles et représentant 30 millions d’euros par an. Actuellement, le sanglier peut être chassé du 1er juin jusqu’au dernier jour de février.
Une seconde consultation publique était ouverte jusqu’au 6 novembre 2019, pouvant conduire à la modification l’article R. 421-38-1 du Code de l’Environnement, afin de transférer la possibilité d’une délégation de signature ou des missions concernant les associations communales de chasse agréées (ACCA) du président de fédération de chasseurs à un agent placé sous son autorité.
Manon PARADIS
RÉFORME DE LA JUSTICE ET TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX
Incidence de la réforme de la justice sur le tribunal paritaire
Pour donner suite à la réforme de la justice (loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), le tribunal paritaire subit des changements dans son mode de désignation de son président et de ses assesseurs. A compter du 1er janvier 2020, deux situations seront désormais identifiées selon le siège du tribunal paritaire. Soit ils seront désignés par le président du tribunal judiciaire (fusion entre tribunal d’instance et de grande instance), soit sur proposition du ma-gistrat chargé de l’administration de la chambre de proximité. Le greffe du tribunal paritaire suivra la même logique, il sera du tribunal judiciaire ou bien le greffe détaché de la chambre de proximité (Dé-cret N°2019-913, 30août 2019 : JO, 1er sept.).
Anne-Emmanuelle FURIC